Mes dernières lectures, coups de cœur ou déceptions, de la fantasy aux grands classiques.
14 Février 2011
Édition Actes Sud (Lettres
japonaises) (173p)
Titre original : Mizu no sôretsu
Résumé :
Un homme étrange s'engage au sein d'une équipe chargée de construire un barrage en haute montagne. Perdu dans la brume, tout au fond d'une vallée mal connue, se révèlent les contours d'un hameau,
mais les travaux ne sont pas remis en question par cette découverte : le village sera englouti sous les eaux. Au cours de ce terrible chantier, le destin de cet homme entre en résonance avec
celui de la petite communauté condamnée à l'exil. A la veille du départ qui leur est imposé, il observe les premières silhouettes alignées sur le sentier escarpé. Elles sont innombrables et
portent sur leur dos un singulier fardeau. Des images de toute beauté, inoubliables.
Ce que j’en ai pensé :
Si vous avez lu le résumé de l’éditeur, alors vous connaissez déjà toute l’histoire. Je trouve ça un peu étrange de résumer l’ensemble du livre sur la 4ème de couverture mais bon... Soit.
Je vous passerai donc le récapitulatif de l’histoire pour entrer dans le vif du sujet : si vous aimez l’ambiance si particulière qui se dégage des romans japonais où la nature est révérée, ce
livre est fait pour vous.
Ici, point d’intrigue, juste la présentation d’un petit village si particulier, perdu au milieu d’une vallée où les gens vivent en symbiose avec la nature. A l’opposé, l’auteur introduit
des hommes de la ville, qui sont venus creuser un barrage et troubler le repos de cette vallée. Le roman joue de cette rivalité modernité/traditions, sérénité/agitation tout au long du roman, en
opposant les gens du hameaux aux ouvriers venus de la ville. C’est un thème particulièrement chéri par les auteurs japonais, pas seulement dans la littérature d’ailleurs, on retrouve souvent
cette confrontation des deux mondes, le poids des traditions face au monde moderne, dans les films d’animation de Miyazaki par exemple. Bien que ce soit un thème récurrent, le roman n’en a pas
moins d’intérêt car Yoshimura est assurément un merveilleux écrivain. La prose de Yoshimura est délicate et respectueuse comme savent si bien l’être les Japonais. C’est fluctuant, limpide comme
l’eau qui est l’élément primordial du roman, à l’instar de son titre.
Si la vie des hommes du hameau peut sembler inconséquente, voire stérile (remettre encore et encore les mousses tombées après chaque déflagration des ouvriers), elle trouvera un écho en la
personne du narrateur, ancien détenu qui s’identifie à ces villageois et parvient à trouver la sérénité tant attendue. J’ai trouvé ça très judicieux, cette façon qu’a Yoshimura d’introduire un
élément de chaos dans la paix qui domine dans la vallée. Le narrateur qui possède une violence intérieure peu commune, sera finalement le seul à se montrer touché par la bienheureuse quiétude qui
règne sur le hameau. Les ouvriers ne seront que prétention, suffisance et arrogance malsaine envers les villageois qu’ils méprisent sans vergogne (faut-il avoir si peu de cœur pour laisser cette
jeune fille sans sépulture ?). Le message véhiculé par Le convoi de l’eau a cela d’ambiguë qu’il nous dépeint les gens de la ville comme des êtres détestables. D’ailleurs, le seul acte de bonté
du roman sera commis par un meurtrier (à la recherche de rédemption).
Si le roman nous dépeint le choc de deux civilisations, il nous apporte aussi beaucoup de questionnements : Pourquoi tout recoller alors que la vallée même va être inondée ? Pourquoi
accepter d’abandonner aussi facilement cette vallée qui semble si chère à leurs yeux ? Si le roman ne répond pas à ces questions, c’est pour mieux nous perdre et nous faire pénétrer le mysticisme
de cette vallée où la raison n’a plus lieu d’être. On se laisse ballotter par les phrases de Yoshimura et l’on se dit que les écrivains japonais ont quelque chose de particulier, celle faculté de
nous faire relâcher la pression dans une vie toujours en mouvement.
En conclusion :
Un roman plutôt court qui dépeint avec beaucoup de grâce la rencontre de deux civilisations opposées : le monde moderne et le respect des traditions de nos ancêtres. Totalement incompatibles, ces
deux mondes se frictionnent, se répulsent pour mieux se diviser et c’est avec une certaine appréhension que l’on attend le départ des habitants du hameau. L’écriture est riche, limpide, mouvante
et l’eau et la végétation y possèdent une part importante. C’est paisible, tranquille, comme le rythme immuable de la nature, et de la mort.
Ma note : 3/5
Lu dans le cadre du Challenge "In the Mood For Japan" (6/12)